jeudi 31 août 2017

Corps naturel, corps artificiel : problématique et analyse

Thème n° 2 - CORPS NATUREL, CORPS ARTIFICIEL
Problématique
Le corps qui nous est donné à la naissance, source de bien-être, de plaisir, de douleur, évolue selon les lois de la nature et sous l'influence du milieu dans lequel nous vivons. Il se transforme, parfois lentement, imperceptiblement, parfois plus rapidement - à l'adolescence, par exemple -, parfois même violemment - en cas d'accident ou de maladie. Nous pouvons alors avoir l'impression que notre propre corps nous échappe, il peut même nous sembler étranger : on ne le reconnaît pas, on ne se reconnaît plus en lui.
Mais il est possible de l'apprivoiser, de soigner son apparence, voire de le modeler, de le discipliner, de l'améliorer, et même à présent de « l'augmenter ». Certains font donc acte de volonté et choisissent de l'entretenir, de le développer par le sport, de le modifier par la chirurgie esthétique ou par les technologies médicales les plus modernes.
Il fut une époque où le vieillissement et les accidents de la vie imposaient progressivement un corps diminué qu'on pouvait accepter avec une forme de sage sérénité. Les progrès scientifiques et technologiques incitent de plus en plus à refuser cette évolution naturelle qui porte atteinte tant à l'image que nous avons de nous-mêmes qu'à ce qui nous définit essentiellement : notre mobilité, nos perceptions, nos performances physiques et mentales.
Parallèlement, ces possibilités de modifications physiques nous invitent à réinterroger notre identité et notre rapport au temps et à la mort : la chirurgie esthétique et la recherche en biomécanique nous amènent à réfléchir sur les normes, les canons de la beauté, sur le jeunisme et la manière dont ces réalités s'imposent à nous. La science contemporaine nous conduit, in fine, à repenser les frontières entre le corps humain et la machine.
Mots clés
- anatomie, corps naturel, artificiel, implant, santé, vieillissement, dégénérescence, handicap, symptôme, somatisation, maladie, mort, décrépitude, vigueur, douleur.
- harmonie, proportion, canons de la beauté, Histoire du corps, modèle, image de soi, perfection, chirurgie esthétique, maquillage, tatouage, mannequin, mode.
- sport, hygiène, régime, soins, remise en forme, culturisme, gymnastique, performance, danse, athlète, dopage.
- homme augmenté, chirurgie réparatrice, hybridation, handisport, cybathlon, prothèse, exosquelette, robot, greffe, orthopédie, orthodontie, bionique, cyborg, mutant.
- éthique, bioéthique, jeunisme, narcissisme, politique de santé publique, don d'organe, immortalité, transhumanisme, technoscience.
Expressions : bain de jouvence / bon pied, bon œil /fontaine de jouvence /mens sana in corpore sano / talon d'Achille ...

Le mot corps désigne selon le Littré "ce qui fait l'existence matérielle d'un homme ou d'un animal, vivant ou mort" et selon le TLF l'"ensemble des parties matérielles constituant l'organisme" ou, plus spécifiquement chez l'homme, ce même ensemble "du point de vue de son anatomie et de son aspect extérieur". Ces définitions impliquent l'opposition corps/esprit ou âme et donc une conception dualiste qui contredit la conception matérialiste pour laquelle tout est matériel. Le début du texte de présentation reflète d'ailleurs cette vision dualiste puisqu'on nous dit que le corps "nous est donné à la naissance", cette expression supposant un "nous" ou un sujet qui n'est pas le corps et qui est donc esprit ou âme. On retrouve un peu plus loin cette distinction quand il nous est dit : "on ne se reconnaît plus en lui", ce qui signifie que l'esprit ou le sujet ne s'identifie plus à son aspect physique et/ou à son fonctionnement à cause des changements causés par le temps ou la maladie. Si l'on retient la définition du Littré, on s'aperçoit que le corps connaît l'état animé et l'état inanimé (vivant ou mort), ce qui le distingue de l'esprit bien entendu. Le problème est de savoir si parlant de corps on se limite à l'aspect extérieur et à l'anatomie ou si on inclut la sensibilité et l'intelligence. Faut-il considérer qu'une drogue qui altère le fonctionnement de mes sens et de mon esprit produit une modification artificielle de mon corps comparable à celle d'un médicament qui n'agit pas sur le système nerveux central mais sur un organe ? Par exemple, le Prozium administré aux humains dans le film Equilibrium change-t-il artificiellement le corps des hommes du fait qu'il supprime les émotions ? On peut penser que oui et que le corps dont il est question ici n'est pas exclusif du psychique puisque, d'ailleurs, le texte parle de "perceptions" et de "performances physiques et mentales".
La distinction naturel/artificiel apparaît dès le premier paragraphe à propos de l'évolution du corps qui se conforme aussi bien aux "lois naturelles" qu'au "milieu dans lequel nous vivons", ce milieu étant un environnement humain donc artificiel. L'artificiel est ce qui est produit par l'homme et cette notion coïncide donc avec ce qu'on appelle la culture. Le corps d'un individu vivant parmi ses semblables n'est jamais purement naturel, à la différence de celui, par exemple, d'un enfant sauvage tel que Victor de l'Aveyron. Dès avant la naissance, le corps humain dans notre société peut échapper à la simple nature par la médecine fœtale. La question est évidemment de faire la part du naturel et de l'artificiel (ou culturel). Si aucun corps dans la société n'est purement naturel, il existe en revanche des corps purement artificiels, ceux des robots.
Pourquoi le corps subit-il des modifications artificielles ? On peut se dire que c'est pour mieux satisfaire les besoins. Les besoins primaires (ou physiologiques selon la pyramide de Maslow) sont ainsi mieux satisfaits grâce à l'habillement, à l'hygiène et aux soins médicaux. Les besoins de sécurité justifient également les soins médicaux et les besoins d'amour et d'appartenance motivent différentes modifications artificielles du corps, modifications esthétiques pour plaire et modifications symboliques pour marquer l'appartenance à une communauté. 
Tout ce qui est artificiel dans le corps humain appartient aux fonctions grâce auxquelles l'organisme assure la subsistance de l'individu, son intégration au milieu et la perpétuation de l'espèce. Ainsi, le brossage des dents, par exemple, appartient à la fonction de nutrition, le maquillage à la fonction sexuelle, les lunettes à la fonction de perception, la circoncision à la fonction de relation à une communauté. Nous pourrions diviser le travail sur le corps en nous intéressant à différentes modalités et traiter entre autres du corps érotique, du corps religieux, du corps laborieux, du corps pathologique, du corps sportif, du corps guerrier, du corps sénescent, etc. On pourrait demander aux étudiants de présenter un exposé sur un artefact propre à l'un de ces corps tel que le robot sexuel, la circoncision, les équipements de sécurité, le dopage, le psychotrope de combat, la prothèse dentaire, etc. 



Questions sur la problématique :


1. "Ce corps qui nous est donné"
Le don implique quoi ?
Qui donne ?
Qui reçoit ?
2. "à la naissance"
Pourquoi "naissance" ?
3. Quelles sont les trois types de transformation du corps (donnez un exemple) ?
4. "nous échappe"
Échappe à quoi ?
5. "on ne se reconnaît plus en lui"
Qu'est-ce qu'on ne reconnaît plus en lui ? (deux possibilités)
6. Sommes-nous définis "essentiellement" par "notre mobilité, nos perceptions, nos performances physiques et mentales" ?
7. "possibilités de modifications physiques"
Sont-elles volontaires ?
8. "réinterroger notre identité"
Identité pour les autres ou pour nous-mêmes ?
9. "réinterroger notre rapport au temps et à la mort"
Quel est notre rapport au temps et à la mort ?
En quoi pourrions-nous le changer ?
10. "les frontières entre le corps humain et la machine"
Pourquoi les frontières ?