dimanche 18 mai 2014

Ces objets qui nous envahissent : sujet de culture générale n°2

1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :

Document 1:

Par une nuit inquiétante et silencieuse, une caméra s'élève au-dessus d'un panneau "Défense d'entrer" et pénètre dans un univers fantastique où tout semble être suspendu à la lumière tremblante, reflétée par une fenêtre perdue sur la façade d'un château, perché sur une montagne improbable. Derrière ce reflet, un homme murmure dans un souffle inaudible une parole mystérieuse "Rosebud" (bouton de rose), avant de rendre l'âme et laisser une boule de verre, enfermant un monde immaculé de neige, se briser contre le sol.
Un film d'actualités nous apprend que cet homme s'appelait Charles Foster Kane. Placé à la tête d'une immense fortune issue de l'exploitation familiale d'une mine d'or, Charles Foster Kane s'est érigé en personnage public, possédant un important groupe de médias et nourrissant de grandes ambitions politiques. Marié deux fois et divorcé deux fois, sa vie amoureuse tumultueuse est à l'origine de son échec aux élections de gouverneur de New-York. Battu sur le terrain politique et face à la crise économique galopante, l'empire de Charles Foster Kane ne résiste pas et décline. Les actualités se terminent sur l'image d'un vieillard malade et isolé dans un univers qu'il s'est construit à sa démesure : Xanadu. La bobine des actualités s'arrête là. Le film pourrait s'arrêter là, mais un journaliste, nommé Thomson entreprend une enquête pour découvrir la pièce manquante du puzzle que constitue la vie de Kane : le sens de sa dernière parole, "Rosebud". Son enquête repose sur le témoignage de cinq personnes qui ont connu Charles Foster Kane : Suzan Alexander, sa dernière femme, M. Thatcher, le banquier qui l'a pris sous sa tutelle, M. Bernstein, son plus fidèle serviteur, M. Leland, son ami d'enfance, et son dernier majordome. Les cinq témoignages remettent en scène, avec des éclairages différents, les principaux épisodes de la vie de Charles Foster Kane, son départ du foyer maternel, sa prise en main du journal l'Inquirer, son premier mariage avec la fille du président des Etats-Unis, son ascension fulgurante en politique, sa chute tout aussi vertigineuse, sa relation avec Suzan Alexander, sa solitude dans l'immensité de Xanadu, mais aucun n'éclaire le mystère "Rosebud".
Devant ses collègues journalistes, Thomson épilogue sur l'échec de son enquête : "Aucun mot ne peut contenir la vie d'un homme". Alors que les journalistes photographient une dernière fois les nombreux vestiges qu'avait accumulés Kane au cours de sa vie, la caméra s'attarde sur l'un d'entre eux qu'on est sur le point de brûler. Au milieu des flammes, le spectateur découvre ce que l'enquête n'a pas su révéler : Rosebud est le mot gravé sur un traîneau de bois, celui sur lequel glissait le jeune Kane le jour où on l'a retiré de son enfance. Le puzzle est complet, la caméra revient à son point de départ : "Défense d'entrer".


Paolo Zannier, "Orson Welles, une parole à l'origine d'une autre lumière, d'une autre nuit", Cinépage juillet 2003.


Document 2 :


[Roland, neveu de Charlemagne, est tué lors de la bataille de Roncevaux où il affronte les Sarrasins.]

CLXIX

Hauts sont les monts, hauts sont les arbres. Il y a là quatre perrons (1), faits de marbre, qui luisent. Sur l’herbe verte, le comte Roland se pâme. Or un Sarrasin le guette, qui a contrefait le mort et gît parmi les autres, ayant souillé son corps et son visage de sang. Il se redresse debout, accourt. Il était beau et fort, et de grande vaillance ; en son orgueil il fait la folie dont il mourra : il se saisit de Roland, de son corps et de ses armes, et dit une parole : « Il est vaincu, le neveu de Charles ! Cette épée, je l’emporterai en Arabie ! » Comme il tirait, le comte reprit un peu ses sens.

(1) perron : bloc (de pierre, de marbre)

CLXX

Roland sent qu’il lui prend son épée. Il ouvre les yeux et lui dit un mot : « Tu n’es pas des nôtres, que je sache ! » Il tenait 1’olifant (2) qu’il n’a pas voulu perdre. Il l’en frappe sur son heaume gemmé, paré d’or ; il brise l’acier, et le crâne, et les os, lui fait jaillir du chef les deux yeux et devant ses pieds le renverse mort. Après il lui dit : « Païen, fils de serf, comment fus-tu si osé que de te saisir de moi, soit à droit, soit à tort ? Nul ne l’entendra dire qui ne te tienne pour un fou ! Voilà fendu le pavillon de mon olifant ; l’or en est tombé, et le cristal. »

(2) Olifant : Petit cor d'ivoire, taillé dans une défense d'éléphant.

CLXXI

Roland sent que sa vue se perd. Il se met sur pieds, tant qu’il peut s’évertue. Son visage a perdu sa couleur. Devant lui est une pierre brune. Il y frappe dix coups, plein de deuil et de rancœur. L’acier grince, il ne se brise, ni ne s’ébrèche. « Ah ! » dit le comte, « sainte Marie, à mon aide ! Ah ! Durendal (3), bonne Durendal, c’est pitié de vous ! Puisque je meurs, je n’ai plus charge de vous. Par vous j’ai gagné en rase campagne tant de batailles, et par vous dompté tant de larges terres, que Charles tient, qui a la barbe chenue ! Ne venez jamais aux mains d’un homme qui puisse fuir devant un autre ! Un bon vassal vous a longtemps tenue : il n’y aura jamais votre pareille en France la Sainte. »

(3) Durendal : Epée de Roland, elle a été donnée à Charlemagne par un ange pour qu'il la remette au meilleur de ses capitaines.

CLXXII

Roland frappe au perron de sardoine. L’acier grince, il n’éclate pas, il ne s’ébrèche pas. Quand il voit qu’il ne peut la briser, il commence en lui-même à la plaindre : « Ah ! Durendal, comme tu es belle, et claire, et blanche ! Contre le soleil comme tu luis et flambes ! Charles était aux vaux de Maurienne, quand du ciel Dieu lui manda par son ange qu’il te donnât à l’un de ses comtes capitaines : alors il m’en ceignit, le gentil roi, le Magne. Par elle je lui conquis l’Anjou et la Bretagne, par elle je lui conquis le Poitou et le Maine. Je lui conquis Normandie la franche, et par elle je lui conquis la Provence et l’Aquitaine, et la Lombardie et toute la Romagne. Je lui conquis la Bavière et toute la Flandre, la Bourgogne et […], Constantinople, dont il avait reçu l’hommage, et la Saxe, où il fait ce qu’il veut. Par elle je lui conquis l’Écosse […] et l’Angleterre, sa chambre, comme il l’appelait. Par elle je conquis tant et tant de contrées, que Charles tient, qui a la barbe blanche. Pour cette épée j’ai douleur et peine. Plutôt mourir que la laisser aux païens ! Dieu, notre père, ne souffrez pas que la France ait cette honte ! »

CLXXIII

Roland frappa contre une pierre bise. Il en abat plus que je ne sais vous dire. L’épée grince, elle n’éclate ni ne se rompt. Vers le ciel elle rebondit. Quant le comte voit qu’il ne la brisera point, il la plaint en lui-même, très doucement : « Ah ! Durendal, que tu es belle et sainte ! Ton pommeau d’or est plein de reliques : une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile, et des cheveux de monseigneur saint Denis, et du vêtement de sainte Marie. Il n’est pas juste que des païens te possèdent : des chrétiens doivent faire votre service. Puissiez-vous ne jamais tomber aux mains d’un couard ! Par vous j’aurai conquis tant de larges terres, que tient Charles, qui a la barbe fleurie ! L’empereur en est puissant et riche. »

CLXXIV

Roland sent que la mort le prend tout : de sa tête elle descend vers son cœur. Jusque sous un pin il va courant ; il s’est couché sur l’herbe verte, face contre terre. Sous lui il met son épée et l’olifant. Il a tourné sa tête du côté de la gent païenne : il a fait ainsi, voulant que Charles dise, et tous les siens, qu’il est mort en vainqueur, le gentil comte. A faibles coups et souvent, il bat sa coulpe. Pour ses péchés il tend vers Dieu son gant.

CLXXV

Roland sent que son temps est fini. Il est couché sur un tertre escarpé, le visage tourné vers l’Espagne. De l’une de ses mains il frappe sa poitrine : « Dieu, par ta grâce, mea culpa, pour mes péchés, les grands et les menus, que j’ai faits depuis l’heure où je naquis jusqu’à ce jour où me voici abattu ! » Il a tendu vers Dieu son gant droit. Les anges du ciel descendent à lui.

La Chanson de Roland, traduction Joseph Bédier, laisses 173 à 176, XIIe siècle.


Document 3 :


Machines, appareillages, outils ou instruments divers démultiplient depuis longtemps les possibilités du corps : force ou précision des gestes, mémoire, classement ou calcul. Le corps trouve là un substitut, un allié, développant à l’extrême ses possibles et ses qualités. En retour, les techniques imposent au corps de nouvelles manières de faire, de nouvelles perceptions, requièrent de nouvelles habitudes, de nouveaux rythmes, dessinent un nouvel imaginaire. Loin de l’effacer, la technique sollicite plus que jamais l’engagement du corps ; elle favorise une attention, une vigilance, voire une « écoute » particulière du corps. (...) Entre le corps et l’objet technique la relation n’est pas mimétisme, projection ou simple prolongement. C’est d’abord comme problème à résoudre, disposition et habileté à acquérir que s’opère la rencontre. L’outil ne fait pas que donner au corps des possibilités qu’il n’avait pas, il redéfinit le cadre de l’action, il ouvre à de nouveaux problèmes. En distinguant l’outil auxiliaire de l’outil nécessaire, F. Sigaut révise (...) la thèse classique de l’outil comme prolongement naturel du corps. L’outil simple, «auxiliaire », celui dont la forme et la fonction semblent calquées sur la forme de l’organe, pourquoi serait-il premier ? Que l’outil prolonge dans certains cas le corps en accentuant ses efficacités est possible. Mais pourquoi, en revanche – et cela est souvent le cas –, inventer un outil pour le substituer à une fonction que l’organe remplit parfaitement ? Pourquoi un outil quand la main suffit ? Au contraire, l’outil « nécessaire », en se distinguant des modes naturels d’action, offre des possibilités inimaginables sans lui. Il permet de nouvelles habiletés, une gestualité ludique, et présente en lui-même un intérêt qui dépasse ses effets pratiques. Des problèmes inédits se posent ainsi au corps dans l’expérience de la nécessité imposée par l’objet, et de nouvelles dispositions, manières de faire, habiletés redessinent le cadre dans lequel l’usage se définit. Dans le champ des pratiques quotidiennes, si l’objet technique supplée les déficiences du corps, s’il amplifie ses possibilités d’action, c’est à la condition d’un ajustement réciproque, d’un façonnage matériel et émotionnel. M. Winance et S. Maisonneuve montrent que l’objet – un fauteuil roulant, un gramophone – n’est plus seulement extérieur, mais ce qui fait corps, ce à travers quoi perception et action sont rendus possibles.


Pillon Thierry, Vigarello Georges. Présentation. In: Communications, 81, 2007.



Document 4 :



Bob Marley devant sa maison en Jamaïque, photo prise par David Burnett pour Time Magazine en mars 1976.
La photo collée sur la guitare représente Haile Sélassié, le dernier empereur d'Ethiopie, le “Messie Rastafari”, décédé en 1974. Sous la photo, une carte de l'Afrique accompagnée de la légende : “Africa Must Be Free By 1983“, i.e. l'Afrique doit être libre d'ici à 1983.

2) Ecriture personnelle : 

Dans quelle mesure l'objet forme-t-il la personne ?

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