vendredi 30 mai 2014

Ces objets qui nous envahissent : sujet de culture générale n°3

1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :


Document 1 :


A-t-on besoin d'avoir toujours plus pour être heureux ? L'interrogation n'est pas nouvelle, certains se la posent depuis belle lurette mais la crise aidant, elle revient en force. Et inspire ici et là des actes de rébellions. Ce challenge des 100 objets en est un, comme l'explique Sophie Dubuisson-Quellier, chercheur au CNRS et à Sciences Po. «C'est une forme de militantisme. Avec un but précis : Porter un message sur la place publique. Vivre avec 100 objets, cela tient presque du slogan. Ça parle aux gens tout de suite...»

Définir les objets prioritaires amène à des questions existentielles du genre : faut-il se limiter en livres ? En sous-vêtements ? Et que faire du canapé du salon ?  Dave a décidé d'exclure tout les «biens partagés» (lit, table de la salle à manger...) pour ne décompter que les objets strictement personnels. En s'accordant quelques libertés comme pouvoir changer un objet par un autre. Ou compter les caleçons dans un même groupe, comme un seul objet. Idem pour les chaussettes.

Un peu trop facile au goût de Colin, beau gosse baroudeur, qui raconte sur son blog, photos à l'appui, comment il a réussi à tomber à 72 puis 51 objets, pour être libre comme l'air et déménager à la vitesse de l'éclair. Dans son règlement, précise-t-il, les lunettes de vue et son étui ne font qu'un, le papier toilette et la nourriture ne comptent pas.

Plus pragmatique, le blog de Rowdy Kittens propose des conseils pratiques pour décrocher en douceur: «commencer petit, en donnant par exemple dix objets par semaine à une association caritative», «fuyez les galeries marchandes» et «les pubs à la télé» pour ne pas être tenté. Autre moyen de résister : se répéter chaque fois que nécessaire que «moins d'affaires simplifie le ménage» et que «le désordre est une forme de procrastination».

Sur sa liste, la blogueuse ne compte tout de même qu'un seul objet pour ses élastiques à cheveux. Elle affirme que «le challenge des 100 choses peut paraître arbitraire mais au fond, c'est un bon exercice. Il nous oblige à faire l'inventaire de tout ce qu'on a, nos buts dans la vie. Le plus gros défi est de décider ce qui compte et ce qui ne compte pas.»

Caracolent en tête des objets indispensables : l'ordinateur portable, le wi-fi, MP3 et autres disques durs. «Ce grand écart entre un mode de vie dépouillé et un usage avancé des nouvelles technologies peut sembler paradoxal, reconnaît Sophie Dubuisson-Quellier. Mais pour eux, cela ne l'est pas du tout: les militants anti-consuméristes ont des pratiques très développées en matière d'usage des nouvelles technologies. C'est en accord avec leur objectif que de faire passer un message le plus largement possible».

Pour la sociologue Anne Chaté, aussi, «mettre dans sa liste un ordinateur est tout à fait défendable. C'est comme pour un régime minceur. Il vaut mieux des habitudes alimentaires saines qu'un régime sévère qui débouche sur des frustrations et des excès. Il vaut mieux une modération... modérée.»

Le 100 thing challenge n'est qu'un défi du genre. On en trouve à la pelle sur la toile, cheminant de blogs en blogs, de Facebook à Twitter, se revendiquant du courant de la «simplicité volontaire» bien ancré aux Etats-Unis...

Certains parviennent jusque dans les colonnes des journaux, indépendamment du nombre de personnes concernées d'ailleurs. Si le défi des 100 objets n'a pas trouvé d'écho, pour l'heure, en France, d'autres initiatives s'exportent bien : la journée mondiale sans achat («Buy not day»), ou le freegan, qui consiste à consommer le moins possible en récupérant les aliments encore consommables dans les poubelles des magasins.

«Il est important de distinguer ces formes de militantisme, pensées pour être médiatisées, des pratiques plus diffuses et éparses de ces consommateurs qui s'interrogent au coup par coup sur l'opportunité de tel ou tel achat et qui décident de modifier leurs comportements», conclut Sophie Dubuisson-Quellier.


Marie Piquemal, "Ils ont décidé de vivre avec cent objets", Libération, 16 août 2010.


 
Document 2 :


La chambre de Gandhi dans son ashram à Sevagram, Wardha.



Document 3 :


[Nana, jeune courtisane et actrice, est entretenue par le comte Muffat qui l'a installée dans un hôtel particulier richement meublé.]


Nana n’ouvrait le grand salon, du Louis XVI trop riche, que les soirs de gala, quand elle recevait le monde des Tuileries ou des personnages étrangers. D’habitude, elle descendait simplement aux heures des repas, un peu perdue les jours où elle déjeunait seule dans la salle à manger, très haute, garnie de Gobelins, avec une crédence monumentale, égayée de vieilles faïences et de merveilleuses pièces d’argenterie ancienne. Elle remontait vite, elle vivait au premier étage, dans ses trois pièces, la chambre, le cabinet et le petit salon. Deux fois déjà, elle avait refait la chambre, la première en satin mauve, la seconde en application de dentelle sur soie bleue ; et elle n’était pas satisfaite, elle trouvait ça fade, cherchant encore, sans pouvoir trouver. Il y avait pour vingt mille francs de point de Venise au lit capitonné, bas comme un sopha. Les meubles étaient de laque blanche et bleue, incrustée de filets d’argent ; partout, des peaux d’ours blancs traînaient, si nombreuses, qu’elles couvraient le tapis ; un caprice, un raffinement de Nana, qui n’avait pu se déshabituer de s’asseoir à terre pour ôter ses bas. À côté de la chambre, le petit salon offrait un pêle-mêle amusant, d’un art exquis ; contre la tenture de soie rose pâle, un rose turc fané, broché de fils d’or, se détachaient un monde d’objets de tous les pays et de tous les styles, des cabinets italiens, des coffres espagnols et portugais, des pagodes chinoises, un paravent japonais d’un fini précieux, puis des faïences, des bronzes, des soies brodées, des tapisseries au petit point ; tandis que des fauteuils larges comme des lits, et des canapés profonds comme des alcôves, mettaient là une paresse molle, une vie somnolente de sérail. La pièce gardait le ton du vieil or, fondu de vert et de rouge, sans que rien marquât trop la fille, en dehors de la volupté des sièges ; seules, deux statuettes de biscuit, une femme en chemise cherchant ses puces, et une autre absolument nue, marchant sur les mains, les jambes en l’air, suffisaient à salir le salon d’une tache de bêtise originelle. Et, par une porte presque toujours ouverte, on apercevait le cabinet de toilette, tout en marbre et en glace, avec la vasque blanche de sa baignoire, ses pots et ses cuvettes d’argent, ses garnitures de cristal et d’ivoire. Un rideau fermé y faisait un petit jour blanc, qui semblait dormir, comme chauffé d’un parfum de violette, ce parfum troublant de Nana dont l’hôtel entier, jusqu’à la cour, était pénétré.


Emile Zola, Nana, 1880.



Document 4 :


Le ressort central de la vie sociale, dit Veblen (1), est la rivalité ostentatoire qui vise à exhiber une prospérité supérieure à celle de ses pairs. La différenciation de la société en de nombreuses couches excite la rivalité générale.

La course à la distinction pousse à produire bien davantage que ce que requérerait l’atteinte des « fins utiles » :  « Le rendement va augmentant dans l’industrie, les moyens d’existence coûtent moins de travail, et pourtant les membres actifs de la société, loin de ralentir leur allure et de se laisser respirer, donnent plus d’effort que jamais afin de parvenir à une plus haute dépense visible. La tension ne se relâche en rien, alors qu’un rendement supérieur n’aurait guère eu de peine à procurer le soulagement si c’était là tout ce qu’on cherchait; l’accroissement de la production et le besoin de consommer davantage s’entre-provoquent: or ce besoin est indéfiniment extensible. » En effet, il ne s’arrête jamais : repensons à nos milliardaires. Qu’acheter, quand chacun a son avion décoré de bois précieux et de marbre? Une collection d’objets d’art. Une fusée. Un sous-marin. Et ensuite? Une villégiature sur la Lune. Autre chose, toujours, car la satiété n’existe pas dans la compétition somptuaire.

Enfin, la classe de loisir, au sommet, se coupe de la société. « Ce qui compte pour l’individu élevé dans le grand monde, explique Veblen, c’est l’estime supérieure de ses pareils, la seule qui fasse honneur. Puisque la classe riche et oisive a tant grandi, (. . .) puisqu’il existe un milieu humain suffisant pour y trouver considération, on tend désormais à mettre à la porte du système les éléments inférieurs de la population; on n’en veut même plus pour spectateurs; on ne cherche plus à les faire applaudir ni pâlir d’envie. »

La théorie de Veblen paraît si claire qu’il est à peine besoin de la commenter. Observons nos oligarques. Et regardons comment les 4×4, les voyages à New York ou à Prague, les écrans ultraplats, les caméras numériques, les téléphones télévisions, les cafetières perfectionnées… – comment l’incommensurable amoncellement d’objets qui constitue le décor de nos sociétés d’opulence se déverse en cascade, jusqu’aux rangs les plus modestes de la société, au fur à mesure que leur découverte par les hyper-riches recule dans un temps de plus en plus frénétique. Mais les filtres des possibilités de chacun, à mesure que l’on descend l’échelle de la richesse, écrèment cruellement le flot des fruits de la corne d’abondance. Ils laissent inassouvi le désir inextinguible qu’excite la dilapidation clinquante des oligarques. (...)

Qui, aujourd’hui, consomme le plus de produits matériels? Les hyper-riches? Pas seulement. Individuellement, ils gaspillent certes outrageusement, mais collectivement, ils ne pèsent pas si lourd que ça. L’oligarchie? Oui, cela commence à faire nombre. Mais cela ne suffit pas encore. Ensemble, Amérique du Nord, Europe et Japon comptent un milliard d’habitants, soit moins de 20 % de la population mondiale. Et ils consomment environ 80 % de la richesse mondiale. Il faut donc que ce milliard de personnes réduise sa consommation matérielle. Au sein du milliard, pas les pauvres, mais pas seulement non plus les vilains de la couche supérieure. Disons, 500 millions de gens, et appelons-les la classe moyenne mondiale. Il y a d’assez fortes chances que vous fassiez partie – comme moi- de ces personnes qui réduiraient utilement leur consommation matérielle, leurs dépenses d’énergie, leurs déplacements automobiles et aériens.

Mais nous limiterions notre gaspillage, nous chercherions à changer notre mode de vie, tandis que les gros, là-haut, continueraient à se goberger dans leurs 4×4 climatisés et leurs villas avec piscine? Non. La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle – donc le revenu – de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi, pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de ce sacripant excentrique de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas.

Le chemin est tracé. Mais les hyper-riches, la nomenklatura, se laisseront-ils faire?


(1) Thorstein Veblen, 1857-1929, économiste et sociologue américain, auteur de La théorie de la classe de loisir (1899).


Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, 2007. 

2) Ecriture personnelle :
Pensez-vous que les hommes peuvent modérer leur besoin d'objets ? 


dimanche 18 mai 2014

Ces objets qui nous envahissent : sujet de culture générale n°2

1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :

Document 1:

Par une nuit inquiétante et silencieuse, une caméra s'élève au-dessus d'un panneau "Défense d'entrer" et pénètre dans un univers fantastique où tout semble être suspendu à la lumière tremblante, reflétée par une fenêtre perdue sur la façade d'un château, perché sur une montagne improbable. Derrière ce reflet, un homme murmure dans un souffle inaudible une parole mystérieuse "Rosebud" (bouton de rose), avant de rendre l'âme et laisser une boule de verre, enfermant un monde immaculé de neige, se briser contre le sol.
Un film d'actualités nous apprend que cet homme s'appelait Charles Foster Kane. Placé à la tête d'une immense fortune issue de l'exploitation familiale d'une mine d'or, Charles Foster Kane s'est érigé en personnage public, possédant un important groupe de médias et nourrissant de grandes ambitions politiques. Marié deux fois et divorcé deux fois, sa vie amoureuse tumultueuse est à l'origine de son échec aux élections de gouverneur de New-York. Battu sur le terrain politique et face à la crise économique galopante, l'empire de Charles Foster Kane ne résiste pas et décline. Les actualités se terminent sur l'image d'un vieillard malade et isolé dans un univers qu'il s'est construit à sa démesure : Xanadu. La bobine des actualités s'arrête là. Le film pourrait s'arrêter là, mais un journaliste, nommé Thomson entreprend une enquête pour découvrir la pièce manquante du puzzle que constitue la vie de Kane : le sens de sa dernière parole, "Rosebud". Son enquête repose sur le témoignage de cinq personnes qui ont connu Charles Foster Kane : Suzan Alexander, sa dernière femme, M. Thatcher, le banquier qui l'a pris sous sa tutelle, M. Bernstein, son plus fidèle serviteur, M. Leland, son ami d'enfance, et son dernier majordome. Les cinq témoignages remettent en scène, avec des éclairages différents, les principaux épisodes de la vie de Charles Foster Kane, son départ du foyer maternel, sa prise en main du journal l'Inquirer, son premier mariage avec la fille du président des Etats-Unis, son ascension fulgurante en politique, sa chute tout aussi vertigineuse, sa relation avec Suzan Alexander, sa solitude dans l'immensité de Xanadu, mais aucun n'éclaire le mystère "Rosebud".
Devant ses collègues journalistes, Thomson épilogue sur l'échec de son enquête : "Aucun mot ne peut contenir la vie d'un homme". Alors que les journalistes photographient une dernière fois les nombreux vestiges qu'avait accumulés Kane au cours de sa vie, la caméra s'attarde sur l'un d'entre eux qu'on est sur le point de brûler. Au milieu des flammes, le spectateur découvre ce que l'enquête n'a pas su révéler : Rosebud est le mot gravé sur un traîneau de bois, celui sur lequel glissait le jeune Kane le jour où on l'a retiré de son enfance. Le puzzle est complet, la caméra revient à son point de départ : "Défense d'entrer".


Paolo Zannier, "Orson Welles, une parole à l'origine d'une autre lumière, d'une autre nuit", Cinépage juillet 2003.


Document 2 :


[Roland, neveu de Charlemagne, est tué lors de la bataille de Roncevaux où il affronte les Sarrasins.]

CLXIX

Hauts sont les monts, hauts sont les arbres. Il y a là quatre perrons (1), faits de marbre, qui luisent. Sur l’herbe verte, le comte Roland se pâme. Or un Sarrasin le guette, qui a contrefait le mort et gît parmi les autres, ayant souillé son corps et son visage de sang. Il se redresse debout, accourt. Il était beau et fort, et de grande vaillance ; en son orgueil il fait la folie dont il mourra : il se saisit de Roland, de son corps et de ses armes, et dit une parole : « Il est vaincu, le neveu de Charles ! Cette épée, je l’emporterai en Arabie ! » Comme il tirait, le comte reprit un peu ses sens.

(1) perron : bloc (de pierre, de marbre)

CLXX

Roland sent qu’il lui prend son épée. Il ouvre les yeux et lui dit un mot : « Tu n’es pas des nôtres, que je sache ! » Il tenait 1’olifant (2) qu’il n’a pas voulu perdre. Il l’en frappe sur son heaume gemmé, paré d’or ; il brise l’acier, et le crâne, et les os, lui fait jaillir du chef les deux yeux et devant ses pieds le renverse mort. Après il lui dit : « Païen, fils de serf, comment fus-tu si osé que de te saisir de moi, soit à droit, soit à tort ? Nul ne l’entendra dire qui ne te tienne pour un fou ! Voilà fendu le pavillon de mon olifant ; l’or en est tombé, et le cristal. »

(2) Olifant : Petit cor d'ivoire, taillé dans une défense d'éléphant.

CLXXI

Roland sent que sa vue se perd. Il se met sur pieds, tant qu’il peut s’évertue. Son visage a perdu sa couleur. Devant lui est une pierre brune. Il y frappe dix coups, plein de deuil et de rancœur. L’acier grince, il ne se brise, ni ne s’ébrèche. « Ah ! » dit le comte, « sainte Marie, à mon aide ! Ah ! Durendal (3), bonne Durendal, c’est pitié de vous ! Puisque je meurs, je n’ai plus charge de vous. Par vous j’ai gagné en rase campagne tant de batailles, et par vous dompté tant de larges terres, que Charles tient, qui a la barbe chenue ! Ne venez jamais aux mains d’un homme qui puisse fuir devant un autre ! Un bon vassal vous a longtemps tenue : il n’y aura jamais votre pareille en France la Sainte. »

(3) Durendal : Epée de Roland, elle a été donnée à Charlemagne par un ange pour qu'il la remette au meilleur de ses capitaines.

CLXXII

Roland frappe au perron de sardoine. L’acier grince, il n’éclate pas, il ne s’ébrèche pas. Quand il voit qu’il ne peut la briser, il commence en lui-même à la plaindre : « Ah ! Durendal, comme tu es belle, et claire, et blanche ! Contre le soleil comme tu luis et flambes ! Charles était aux vaux de Maurienne, quand du ciel Dieu lui manda par son ange qu’il te donnât à l’un de ses comtes capitaines : alors il m’en ceignit, le gentil roi, le Magne. Par elle je lui conquis l’Anjou et la Bretagne, par elle je lui conquis le Poitou et le Maine. Je lui conquis Normandie la franche, et par elle je lui conquis la Provence et l’Aquitaine, et la Lombardie et toute la Romagne. Je lui conquis la Bavière et toute la Flandre, la Bourgogne et […], Constantinople, dont il avait reçu l’hommage, et la Saxe, où il fait ce qu’il veut. Par elle je lui conquis l’Écosse […] et l’Angleterre, sa chambre, comme il l’appelait. Par elle je conquis tant et tant de contrées, que Charles tient, qui a la barbe blanche. Pour cette épée j’ai douleur et peine. Plutôt mourir que la laisser aux païens ! Dieu, notre père, ne souffrez pas que la France ait cette honte ! »

CLXXIII

Roland frappa contre une pierre bise. Il en abat plus que je ne sais vous dire. L’épée grince, elle n’éclate ni ne se rompt. Vers le ciel elle rebondit. Quant le comte voit qu’il ne la brisera point, il la plaint en lui-même, très doucement : « Ah ! Durendal, que tu es belle et sainte ! Ton pommeau d’or est plein de reliques : une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile, et des cheveux de monseigneur saint Denis, et du vêtement de sainte Marie. Il n’est pas juste que des païens te possèdent : des chrétiens doivent faire votre service. Puissiez-vous ne jamais tomber aux mains d’un couard ! Par vous j’aurai conquis tant de larges terres, que tient Charles, qui a la barbe fleurie ! L’empereur en est puissant et riche. »

CLXXIV

Roland sent que la mort le prend tout : de sa tête elle descend vers son cœur. Jusque sous un pin il va courant ; il s’est couché sur l’herbe verte, face contre terre. Sous lui il met son épée et l’olifant. Il a tourné sa tête du côté de la gent païenne : il a fait ainsi, voulant que Charles dise, et tous les siens, qu’il est mort en vainqueur, le gentil comte. A faibles coups et souvent, il bat sa coulpe. Pour ses péchés il tend vers Dieu son gant.

CLXXV

Roland sent que son temps est fini. Il est couché sur un tertre escarpé, le visage tourné vers l’Espagne. De l’une de ses mains il frappe sa poitrine : « Dieu, par ta grâce, mea culpa, pour mes péchés, les grands et les menus, que j’ai faits depuis l’heure où je naquis jusqu’à ce jour où me voici abattu ! » Il a tendu vers Dieu son gant droit. Les anges du ciel descendent à lui.

La Chanson de Roland, traduction Joseph Bédier, laisses 173 à 176, XIIe siècle.


Document 3 :


Machines, appareillages, outils ou instruments divers démultiplient depuis longtemps les possibilités du corps : force ou précision des gestes, mémoire, classement ou calcul. Le corps trouve là un substitut, un allié, développant à l’extrême ses possibles et ses qualités. En retour, les techniques imposent au corps de nouvelles manières de faire, de nouvelles perceptions, requièrent de nouvelles habitudes, de nouveaux rythmes, dessinent un nouvel imaginaire. Loin de l’effacer, la technique sollicite plus que jamais l’engagement du corps ; elle favorise une attention, une vigilance, voire une « écoute » particulière du corps. (...) Entre le corps et l’objet technique la relation n’est pas mimétisme, projection ou simple prolongement. C’est d’abord comme problème à résoudre, disposition et habileté à acquérir que s’opère la rencontre. L’outil ne fait pas que donner au corps des possibilités qu’il n’avait pas, il redéfinit le cadre de l’action, il ouvre à de nouveaux problèmes. En distinguant l’outil auxiliaire de l’outil nécessaire, F. Sigaut révise (...) la thèse classique de l’outil comme prolongement naturel du corps. L’outil simple, «auxiliaire », celui dont la forme et la fonction semblent calquées sur la forme de l’organe, pourquoi serait-il premier ? Que l’outil prolonge dans certains cas le corps en accentuant ses efficacités est possible. Mais pourquoi, en revanche – et cela est souvent le cas –, inventer un outil pour le substituer à une fonction que l’organe remplit parfaitement ? Pourquoi un outil quand la main suffit ? Au contraire, l’outil « nécessaire », en se distinguant des modes naturels d’action, offre des possibilités inimaginables sans lui. Il permet de nouvelles habiletés, une gestualité ludique, et présente en lui-même un intérêt qui dépasse ses effets pratiques. Des problèmes inédits se posent ainsi au corps dans l’expérience de la nécessité imposée par l’objet, et de nouvelles dispositions, manières de faire, habiletés redessinent le cadre dans lequel l’usage se définit. Dans le champ des pratiques quotidiennes, si l’objet technique supplée les déficiences du corps, s’il amplifie ses possibilités d’action, c’est à la condition d’un ajustement réciproque, d’un façonnage matériel et émotionnel. M. Winance et S. Maisonneuve montrent que l’objet – un fauteuil roulant, un gramophone – n’est plus seulement extérieur, mais ce qui fait corps, ce à travers quoi perception et action sont rendus possibles.


Pillon Thierry, Vigarello Georges. Présentation. In: Communications, 81, 2007.



Document 4 :



Bob Marley devant sa maison en Jamaïque, photo prise par David Burnett pour Time Magazine en mars 1976.
La photo collée sur la guitare représente Haile Sélassié, le dernier empereur d'Ethiopie, le “Messie Rastafari”, décédé en 1974. Sous la photo, une carte de l'Afrique accompagnée de la légende : “Africa Must Be Free By 1983“, i.e. l'Afrique doit être libre d'ici à 1983.

2) Ecriture personnelle : 

Dans quelle mesure l'objet forme-t-il la personne ?

Ces objets qui nous envahissent : sujet de culture générale n°1

1) Vous ferez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants :
Document 1 :
Poupée, panoplie de princesse ou dînette pour les filles ; voiture, habit de pompier ou château fort pour les garçons : les commandes au Père Noël sont conformes à une image stéréotypée du masculin et du féminin. Mais à qui revient la responsabilité d'un choix sexué ? A l'enfant, à ses parents ou à la société ?
Dans la Grèce antique, selon des peintures et des vestiges retrouvés dans les tombes, il existait déjà des poupées, des chevaux à roulettes, des dînettes et des petites voitures ! Au XIXe siècle, on retrouve sous la plume de la Comtesse de Ségur, dans Les Malheurs de Sophie, la description de jouets féminins : dînette en porcelaine et poupée de cire ; tandis que Victor Hugo immortalise la poupée de Cosette dans "Les Misérables".
Par l'apprentissage précoce de la collectivité en crèche, l'enfant est confronté aussi bien aux jouets traditionnellement destinés aux filles (poupées, dînettes…) qu'à ceux plus spécifiquement attribués aux garçons (circuits de trains, garage, jeux de construction…) : ses préférences ne dépendent pas encore de son sexe. Peu de parents, pourtant, laissent leur enfant affirmer librement ses goûts, peut-être par crainte que leur fille soit un "garçon manqué" ou que leur fils devienne une vraie fillette !
En grandissant, l'enfant affirme sa différence sexuelle : au conditionnement de la petite enfance succède le désir d'identification avec le parent du même sexe dont il fait son modèle. Le jouet est un moyen pour l'enfant de vivre "pour de rire" à la façon des adultes. Les enfants reproduisent donc ce qu'ils croient être la fonction du papa ou celle de la maman. Ainsi, la petite fille cuisine, lange son poupon, fait belle sa poupée-mannequin, joue à l'infirmière… Le garçon conduit motos et voitures, construit des circuits ou des maquettes et joue au médecin ou à la guerre.
Mais l'enfant est aussi influencé par les magazines et la télévision : ainsi, quelle que soit la mode vestimentaire suivie par leur mère, les fillettes rêvent en rose et n'habillent leur poupée-mannequin qu'avec des robes clinquantes. Les garçons, eux, n'ont souvent d'yeux que pour les jeux d'aventure et de stratégie. Ils adoptent volontiers G.I. Joe et autres Big Jim, pendants masculins de la poupée-mannequin, entre parachutiste et Superman !
Même les concepteurs de jeux entretiennent cette séparation. Ainsi, le jeu Pokémon, succès planétaire sur console game-boy (mot à mot : jeu-garçon…), est clairement prévu pour les garçons. La règle du jeu décrit d'ailleurs l'affrontement de deux garçons, le joueur et son rival virtuel. Les filles, elles, n'ont qu'à collectionner et échanger les cartes Pokémon ou acquérir des objets dérivés à l'effigie de leur petit préféré, Pikachu : sacs, bijoux, porte-clés…
La vigilance des parents est donc nécessaire : les jouets qu'ils choisissent pour leur enfant portent une " idéologie ". A l'heure où les femmes participent professionnellement à la société, pourquoi cantonner la fillette, à travers ses jouets, au rôle de ménagère ou de mannequin-potiche ? Pourquoi s'obstiner à faire du garçon un ingénieur et lui offrir des jeux de construction, s'il préfère cuisiner et jouer à la dînette ? Sans pour autant offrir systématiquement une poupée à leur garçon, ils peuvent l'orienter vers d'autres objets que les armes ou les véhicules. De même, sans refuser à une fille d'apprendre à séduire, ils peuvent la diriger vers d'autres centres d'intérêt.
A l'heure où l'égalitarisme entre hommes et femmes tente de s'imposer, il est remarquable que les différences sexuelles soient autant marquées dans l'univers du jouet. Même les grands magasins possèdent deux rayons bien différenciés. Résistance consciente ou non à une réforme des moeurs ? Il est probable, cependant, qu'au fil des évolutions sociales, les différences entre jouets des deux sexes s'estomperont.
Marianne Chouchan, "Les jouets ont-ils un sexe ?", www.doctissimo.fr
Document 2 : 
Lors de leurs briefings préparatoires à la requête au Père Noël, Clara et Zoé, 8 et 5 ans, ont d'abord caressé l'idée de demander un circuit pour voitures. Puis, tout à coup, elles ont eu un doute: le circuit, ce ne serait pas un jouet pour garçons? «J'ai démenti avec la dernière énergie l'idée selon laquelle il y aurait des jouets réservés à l'un ou l'autre sexe, raconte leur mère. Tous ces trucs roses pour filles, je déteste!» Mais elle hésite à acheter le circuit : «Le problème, c'est que je ne suis pas du tout sûre qu'elles en aient encore envie.»
Le cas de Clara et Zoé n'est pas désespéré: elles traversent simplement un âge particulièrement sensible aux codes sexués, comme l'explique ci-dessous la chercheuse Anne Dafflon Novelle. Le problème d'une maman moderne comme la leur, c'est que même si elle décide de leur acheter un objet neutre comme un vélo, elle va se retrouver à choisir entre rose et bleu : le beau vélo rouge qui passe de la sœur au petit frère, du cousin à la cousine, est en train de devenir un objet rare.
En revanche, si la mère de Clara et Zoé va chez Manor, elle trouvera le coin boutique Girly Shop, créé l'an dernier et spécialement réservé aux fillettes de 6 à 10 ans, où elle pourra acheter une radio, une calculatrice ou un radio-réveil Hello Kitty très, très nana. Au rayon jouets, elle verra que même les chevaux se déclinent en super pink (My Little Poney) et à l'étage multimédias, elle trouvera la PlayStation rose bonbon de chez Sony. Pendant ce temps, chez les grands, Wernli sort un biscuit for men only (Guara) et Cardinal invente la bière pour femmes (Eve).
Le «regendering» est en marche. L'incontournable tendanceur parisien Vincent Grégoire observe, dans le magazine Stratégies, que le courant «s'amplifie». Il consiste, pour les fabricants, à miser de plus en plus sur la différenciation sexuelle. Le bon vieux Levi's unisexe est parti faire un tour sur Mars et Vénus (voir le best-seller «Les Hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus» de John Gray). Filles et garçons font désormais jean séparé: strass et broderies d'un côté, tons sombres et coupe baggy de l'autre. Et Anne Dafflon Novelle de mettre en évidence ce paradoxe sociologique : le destin des hommes et des femmes n'a jamais été aussi ouvert, et pourtant, les garçons et les filles n'ont jamais été entourés d'objets aussi différenciants. Dans le domaine du jouet, le phénomène est accentué par le fait que les fabricants visent des enfants de plus en plus jeunes, pour compenser la défection des préados. C'est ainsi que l'an dernier on a vu apparaître le premier appareil photo numérique pour les 3 à 6 ans. En rose ou bleu, bien sûr.
Mais la sexualisation des produits ne concerne pas que les enfants. Et pour cause : elle part notamment de la constatation, faite par les stratèges du «marketing de genre», que les foyers composés de maman-papa et les enfants ne sont plus le modèle dominant. En France, ils sont déjà minoritaires. En Suisse, 40% des foyers sont aujourd'hui monoparentaux ou composés d'une seule personne. Cette évolution a notamment pour effet de faire des hommes des acheteurs plus actifs qu'avant. Fabricants et publicitaires se mettent en quatre pour les séduire. Le premier pari consiste à leur faire une place dans des marchés à clientèle traditionnellement féminine : les produits de beauté pour hommes sont une des success stories commerciales de ces dernières années, et les bijoux aspirent à suivre le mouvement. (...)
Mais les fabricants poussent plus loin la logique et entreprennent de sexualiser des produits qui, jusqu'ici, somnolaient dans les limbes du genre neutre. C'est ainsi qu'on a vu des téléphones portables en forme de poudrier proposer des programmes avec calcul des calories et du cycle menstruel. Côté couleurs, après le «pink», c'est l'or qui est à la hausse pour plaire à Madame. Tandis que le rayon alimentation présente les dernières créatures du «regendering» : Danone vient de lancer en France les premiers yaourts pour filles (ils nourrissent la peau de l'intérieur) habillés de rose et d'argent, et Contrex fait de l'œil à madame avec un bouchon fuchsia en forme de cœur. Lancé en début d'année, le Coca-Cola Zéro, un «light» sombre et viril, casse la baraque. Du coup, Pepsi lance un autre «light», féminisé : blanc, rose, bleu ciel et plus petit, pour les femmes-femmes qui boivent comme des oiseaux.
Anna Lietti, "Nouveau! Les objets ont un sexe", www.letemps.ch

Document 3 :
Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet ; toutes les fenêtres en étaient ouvertes et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servaient de porte, pour voir ce que faisait Mme de Clèves. Il vit qu’elle était seule ; mais il la vit d’une si admirable beauté qu’à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n’avait rien, sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et M. de Nemours remarqua que c’étaient des mêmes couleurs qu’il avait portées au tournoi. Il vit qu’elle en faisait des nœuds à une canne des Indes, fort extraordinaire, qu’il avait portée quelque temps et qu’il avait donnée à sa sœur, à qui Mme de Clèves l’avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à M. de Nemours. Après qu’elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu’elle avait dans le cœur, elle prit un flambeau et s’en alla, proche d’une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de M. de Nemours ; elle s’assit et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.
On ne peut exprimer ce que sentit M. de Nemours dans ce moment. Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait, la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait, c’est ce qui n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.
Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, 1678.

Document 4 :

publicité pour Alfa Romeo

2) Ecriture personnelle :

Pensez-vous que les objets contribuent à produire le genre ?

nouveau thème : Ces objets qui nous envahissent : objets cultes, culte des objets

Thème n° 2 - Ces objets qui nous envahissent : objets cultes, culte des objets
Nous sommes entourés d'objets de toutes tailles, de toutes origines, de toutes valeurs. Qu'ils aient été fabriqués artisanalement ou industriellement, leur évidence, leur apparente nécessité et leur prolifération nous amènent à nous interroger : quels rapports entretenons-nous avec les objets ?
Matérialité de l'objet et modes de production
Solides, maniables, pourvus de caractères propres, les objets sont notre création. Ils sont le résultat d'une réflexion qui a pu mener du prototype à la série. Ils sont le fruit d'un travail qui a engagé un choix de forme, un mode d'usinage, un système de commercialisation donnant à la matière première une valeur ajoutée.
L'industrie produit et rend accessibles un nombre considérable d'objets. Emblèmes de la société de consommation, ils posent des problèmes de stockage, de recyclage : que faire des objets inutiles et désuets, des objets cassés ?
Le développement du numérique nous libère-t-il de cette invasion ? Jeux, livres, disques tendent à se dématérialiser. Mais ce phénomène nouveau nous affranchit-il de l'objet ou accroît-il, au contraire, notre besoin de posséder des objets concrets que nous prenons plaisir à voir, sentir, toucher ?
Fonctions des objets
La majorité des objets qui nous entourent ont une destination précise, clairement identifiable. Utiles, ils étendent le pouvoir de l'homme et facilitent la vie quotidienne ; fruits des innovations technologiques, ils alimentent aussi le mythe du progrès constant de l'humanité.
Cependant, les objets ne semblent pas toujours répondre à un besoin prédéfini. S'agit-il pour autant seulement de gadgets superflus, auxquels nous serions attachés sous l'influence de stratégies commerciales ? Ne constate-t-on pas que l'objet crée son usage ou que les utilisateurs inventent a posteriori des fonctions qui le rendent indispensable, comme c'est parfois le cas dans le domaine des nouvelles technologies ?
Les objets peuvent aussi être détournés de leur destination initiale, matérielle et utilitaire, par tout un chacun comme par les artistes. Les dimensions esthétique ou ludique occultent alors la finalité première de l'objet. À quelles fonctions les objets sont-ils assignables ?
Valeur des objets
La valeur d'un objet ne peut se réduire à sa fonction ou au besoin qu'il satisfait. D'autres facteurs interviennent : ergonomie, design, prestige lié à la qualité des matériaux, à la marque, à la mode, à la dimension esthétique...
Cette valeur n'est pas toujours mesurable. Elle tient aussi au regard que les individus, à titre personnel ou collectif, portent sur l'objet, en raison d'un attachement sentimental ou d'une relation particulière (objets sacrés, patrimoniaux, objets cultes d'une génération). Une telle valeur fait donc de l'objet bien plus qu'une simple chose inanimée, posée devant un sujet. Comment l'appréhender ? Dans quels cas pourra-t-on parler de fétichisme ou de lien irrationnel engendré par nos désirs et nos frustrations ?
Accumulés tout au long d'une vie, collectionnés avec passion, entassés avec indifférence, que disent les objets de ceux qui les possèdent ? De quoi sont-ils les signes ? Et aussi bien, que dit leur absence ? Est-elle signe de pauvreté, de dépouillement ou de liberté ?

mercredi 14 mai 2014

sujet culture générale 2014

Première analyse :
Un sujet qui ressemble beaucoup à celui de l'an dernier : trois documents sur les échanges numériques et un document sur la conversation "à l'ancienne".
On pouvait faire le même type de plan qu'en 2013 (pour ne pas se compliquer la vie) :
1) Ce qui demeure à peu près identique dans les échanges de paroles.
2) Ce qui a changé, ce qui est nouveau.

Document 2 :
Le texte de Janin fait une distinction entre la conversation en général et son art très poussé, comme on ferait la différence entre le simple jeu du violon et l'art du grand violoniste.
En effet, il nous dit que peu de gens savent pratiquer le langage de la conversation véritable. Il s'agit d'un art propre à une société d'élite, de bonnes manières, etc.
On peut percevoir une première définition (§ 1) qui implique aussi bien les non-dits que les mots et la gentillesse aussi bien qu'une certaine méchanceté. Puis, une deuxième définition (§2 et 3), cette fois de la conversation superfine, la conversation atticiste ou parisienne. Il y a une certaine contradiction entre les deux : la calomnie, l'absence de pitié et la médisance du paragraphe 1 relèvent de la méchanceté, tandis que la conversation de salon ou d'agora est, selon Janin, exempte de passion méchante, tempérée par la politesse. 

Esquisse de plan (sans les détails) :

1) Constantes de la conversation :
Le bavardage :
On parle sans avoir rien à se dire, on échange des propos superflus (document 2), on exprime toutes les émotions (document 3), on substitue l'indifférence à la dialectique (document 4).
L'amusement :
Les citoyens grecs, selon Janin, se divertissent dans la parole démocratique, les jeunes jouent avec le langage (document 3), on prend soin d'écarter les dissemblances qui peuvent fâcher (document 4), on double le plaisir en ayant recours à l'image (document 1). 
2) Variables :
On n'utilise plus un langage aussi raffiné (document 2 et 3).
On écrit à distance (document 3) ou on mélange le face à face et le numérique (document 1), au lieu de parler sur l'agora ou dans un salon (document 2).
On communique de plus en plus avec ses "clones" au sein d'une micro-communauté fondée sur le plaisir fusionnel (document 4).

Ce n'est qu'une esquisse. Je trouve ce corpus plutôt pauvre, il n'y a pas grand chose à tirer de la photo, le texte de Janin est un peu bavard et répétitif avec une chute spirituelle, le texte de Monod ne développe guère les conclusions de l'enquête de Turkle, pour finir le texte d'Ippolita me semble vraiment pitoyable par ce préjugé galvaudé de "narcissisme", de refus de la différence, dont il accable les usagers de Facebook... Ce dernier document procède d'un mépris élitiste et aveugle à l'égard des jeunes en particulier, et évidemment des jeunes les moins cultivés... En plus, sur le plan conceptuel, ce document 4 est vraiment flou. Opposer la prétendue "homophilie" (terme que tous les dictionnaires définissent comme attirance pour les personnes de même sexe) à une "affinité" qui serait son contraire et qui n'est nullement définie, c'est un peu n'importe quoi. Prétendre que les usagers de Facebook ne connaissent qu'une communication groupale qui gomme les différences et appauvrit le partage, c'est extrêmement contestable. Il suffit de connaître un tout petit peu les échanges des militants, activistes et membres d'association (tels que, par exemple, les militants LGBTQIA ou les anarchistes) pour saisir la fausseté dérisoire de cette affirmation. On ne voit pas pourquoi "liker" les mêmes idées, les mêmes musiques, les mêmes images signifierait le refus de la différence, pourquoi partager les mêmes valeurs en somme interdirait la nuance et le désaccord...

lundi 12 mai 2014

esquisse de corrigé de la synthèse n°2

Le corpus se trouve ici.
Voici l'analyse sommaire des documents suivie d'un plan général en deux parties :


Doc. 1 :
Prix corrélé à la qualité de l'objet dans l'esprit du consommateur : la valeur marchande correspond à la qualité du bien. Ce qui est cher est bon. Un vin plus coûteux donne plus de satisfaction.
Deux raisons :
Si le consommateur manque de critères pour juger, il se fie au prix.
D'autre part, la cherté symbolise la richesse dont le consommateur rêve.
On ne consomme pas seulement pour satisfaire un besoin mais aussi pour réaliser partiellement un rêve.
rêve de richesse
Doc. 2 :
La communication marchande ne se fonde plus sur les qualités intrinsèques du produit (sauf s'il est unique par son caractère innovant) mais sur sa valeur symbolique.
L'objet devient un signe de distinction sociale. La consommation est un langage par lequel on affirme (ou signifie aux autres) ses choix et sa valeur.
Le marketing doit donc attacher au produit une signification qui plaise, un sens conforme aux valeurs collectives (terroir, écologie, pluralité ethnique, etc.). La publicité représente les idéaux individuels et collectifs plus efficacement que les autres discours.
Consommer n'est pas satisfaire un besoin matériel mais chercher la reconnaissance d'autrui et se donner une valeur sociale.
L'objet doit répondre au désir d'individualisation et le marketing insiste sur la différence entre les produits comme si elle permettait de se singulariser. Mais en fait ces différences sont illusoires et le consommateur ne se singularise pas.
rêve de distinction, de valorisation de soi, de participation à des idéaux

Doc. 3 :
Les personnages rêvent d'être riches. Ils se sentent faits pour cela.
Mais ils n'en ont pas les moyens. Sans être pauvres, ils sont réduits à une vie médiocre.
Les produits de luxe sont une tentation qui les tantalise.
rêve de richesse

Doc. 4 :
La publicité pour Nike associe aux produits de la marque reconnaissable au logo un slogan qui représente la liberté et l'audace, le passage à l'acte qui affirme le désir cher à la personne. Comme si en achetant un de ces produits on renforçait son existence. (Le Swoosh évoque Nikê, déesse de la victoire.)
rêve d'affirmation de soi

Plan :

Consommation et rêve :

1) Affirmation de soi et intégration au groupe :
L'objet est un signe qui représente un rêve, une valeur sociale. Le posséder et le consommer, c'est réaliser partiellement un rêve. (Tous les documents convergent sur ce point.)
Valeur sociale ou valeur de rêve : richesse, terroir, écologie, liberté d'agir, individualisation...

2) Illusion et insatisfaction
Le consommateur ne sait pas juger de la qualité (doc. 1), il n'a pas les moyens (3), il n'y a pas de fin à son désir (2) et il ne se singularise pas (2)